'Only a monster can allow himself the luxury of seeing things as they are'
« Seul un monstre peut se permettre le luxe de voir les choses telles qu'elles sont. Mais une collectivité ne subsiste que dans la mesure où elle se crée des fictions, les entretient et s'y attache. S'emploie-t-elle à cultiver la lucidité et le sarcasme, à considérer le vrai sans mélange, le réel à l'état pur ? Elle se désagrège, elle s'effondre.

« Que l'homme perde sa faculté d'indifférence: il devient assasssin virtuel; qu'il transforme son idée en dieu: les conséquences en sont incalculables. On ne tue qu'au nom d'un dieu ou de ses contrefaçons. Les époques de ferveur excellent en exploits sanguinaires: Ste Thérese ne pouvait qu'etre contemporaire des autodafés, et Luther du massacre des paysans. Le diable paraît bien pâle auprès de celui qui dispose d'une vérité, de sa vérité. Les vrais criminels sont ceux qui établissent une orthodoxie sur le plan religieux ou politique, qui distinguent entre le fidèle et le schismatique. Lorsqu'on se refuse à admettre le caractère interchangeable des idées, le sang coule. Regardez autour de vous: partout des larves qui prechent; chaque institution traduit une mission. La société est un enfer de sauveurs! Ce qu'y cherchait Diogène avec sa lanterne, c'était un indifférent. Il me suffit d'entendre quelqu'un parler sincèrement d'idéal, d'avenir, de philosophie, de l'entendre dire "nous" avec une inflexion d'assurance, d'invoquer "les autres" et s'en estimer l'interprète pour que je le considère mon ennemi. On se méfie des finauds, des fripons, des farceurs; pourtant, on ne saurait leur imputer aucune des grandes convulsions de l'histoire. L'humanité leur doit le peu de moments de prospérité qu'elle connut. Le fanatique, lui, est incorruptible: si pour une idée, il tue, il peut tout aussi bien se faire tuer pour elle; dans les deux cas, tyran ou martyr, c'est un monstre; les grands persécuteurs se recrutent parmi les martyres auxquels on n'a pas coupé la tete. Dans tout homme sommeille un prophète, et quand il s'éveille il y a un peu plus de mal dans le monde... »
L'assassinat de Marat, tableau de Jean-Joseph Weerts (1846-1927)
Niciun comentariu:
Trimiteți un comentariu