26) Français et Roumains dans la Grande Guerre

De 1915 à 1919, des centaines de milliers de poilus ont combattu dans les Balkans au sein de l'armée française d'Orient. Oublié en France, le souvenir de ces hommes est toujours vivace en Grèce, en Macédoine, en Serbie et en Roumanie.
L’armée d’Orient (AO) est créée à Salonique en octobre 1915. Dans un premier temps, sa mission est de soutenir l’armée serbe, menacée d’anéantissement. Progressivement, elle est renforcée par des contingents étrangers (anglais, italiens, grecs, russes et serbes). En août 1916, l’armée française d’Orient (AFO) est créée au sein du commandement des armées alliées en Orient (jusqu’en septembre 1920). Ces troupes combattent sur le front des Balkans.
Après les offensives victorieuses de septembre 1918 dans les Balkans, l’armée française d’Orient donne naissance à trois groupements : l’armée de Hongrie (mars-septembre 1919), chargée de faire respecter l’armistice et de veiller aux respects des nouvelles frontières ; l’armée du Danube (octobre 1918-janvier 1920), installée en Roumanie et en Russie méridionale pour soutenir les Russes blancs ; le corps d’occupation français de Constantinople (novembre 1920-octobre 1923), chargé de défendre les intérêts français pendant la guerre gréco-turque.
La mission militaire du général Berthelot en Roumanie est la plus importante de toutes celles envoyées par la France à l’étranger pendant la Grande Guerre.

À la fin de l’été 1916, la Roumanie a déclaré la guerre à l’Autriche-Hongrie et à l’Allemagne. En Transylvanie, les premières offensives roumaines sèment vent de panique : les populations magyares, jusque-là largement favorisées, craignent la violence possible de la paysannerie roumaine et fuient en désordre, encombrant les voies de communication. Ensuite, mal préparé à un conflit de cette échelle, le pays a été forcé de reculer - dans un premier temps, face à la poussée ennemie et d’accepter l’occupation allemande sur une partie de son territoire tandis que le gouvernement, la famille royale et l’état major général se repliaient à Iaşi dans le Nord-Est du pays. La France a alors décidé d’envoyer, dans la partie restée libre, une mission d’assistance militaire commandée par le Général Berthelot, qui a eu pour mission d’aider à la réorganisation et à la formation de l’armée roumaine. Cette assistance s’est accompagnée de livraisons d’armes et de munitions de nature à donner à cette armée rénovée les moyens d’affronter ses adversaires.
Les victoires roumaines survenues au cours de l’été 1917, lors des batailles héroïques sur la ligne du Siret (dont celles de Mărăşti et Mărăşeşti) ont durablement marqué la conscience nationale. Toutefois, le gouvernement roumain a dû signer l’Armistice de Focşani (9 décembre 1917) car la chute du régime tsariste intervenue à l’automne avait entrainé un isolement territorial de la Roumanie vis-à-vis de ses alliés, coupant les lignes logistiques indispensables à sa survie. Un traité - qui ne sera ratifié ni par le roi, ni par le parlement, est signé le 7 mai 1918 à Bucarest. L'Allemagne s'empare du pétrole roumain pour une durée prévue jusqu'en 1948 et se réserve l'exclusivité des exportations roumaines de céréales, viandes, fourrages jusqu'en 1926.
Le 10 novembre 1918, alors que l'Autriche-Hongrie a déjà signé un armistice avec les Alliés, le gouvernement du Royaume, soutenu par le Général Franchet d'Esperey, dénonce l'armistice signé en décembre 1917 et reprend le combat contre les Puissances centrales, faisant rentrer le royaume dans le camp allié.
Le 1er décembre 1918, les unités françaises et roumaines rentrent à Bucarest libérée. Le roi Ferdinand et la reine Marie y font leur entrée solennelle. Le même jour, les provinces perdues sont rattachées à la couronne. La situation est entérinée par les traités de Saint-Germain-en-Laye et de Trianon, en 1919 et 1920.
Après l'Armistice du 11 novembre 1918, la France demande une participation militaire roumaine à l'offensive anti-bolchévique en Russie, pour dégager des troupes polonaises qui auraient aidé les Français à imposer le traité de paix aux Allemands. Les hostilités reprennent le 16 avril 1919: en juillet 1919, devant les succès remportés par les communistes hongrois, les unités roumaines déclenchent une contre-offensive qui les conduit à Budapest en quelques jours. Les armées alliées basées en Roumanie poursuivent en 1919 la guerre contre, cette fois, les gouvernements bolcheviks de Russie. Les derniers militaires français du front roumain ne seront rapatriés qu'en 1920 et les derniers soldats roumains ne seront démobilisés qu'en 1921.




Fils de gendarme et originaire de la région lyonnaise, Henri-Mathias Berthelot (1861-1931) est un personnage emblématique de la IIIème République. Orienté très jeune vers les meilleures écoles en raison de ses bons résultats scolaires, il a été élève de la 66ème promotion de Saint Cyr (promotion d’Egypte). Breveté de l’école supérieure de guerre en 1893, il est aide major général à l’entrée en guerre. Il est nommé général de division en novembre 1914 et participe aux combats de l’Aisne, de l’Artois et de Verdun avant d’être envoyé à la tête de la mission militaire en Roumanie entre octobre 1916 et le 12 mars 1918.


Quelques mois plus tard, il revient en Roumanie à la tête de l’armée du Danube en novembre 1918 avant d’entrer triomphant dans Bucarest aux côtés du Roi Ferdinand 1er et de son épouse la Reine Marie.
Toutefois à la suite de l’effondrement du front bulgare, qui a conduit à la capitulation de la Bulgarie, Berthelot a été rappelé sur ce qu’on appelait alors le « front d’Orient », pour prendre la tête de l’armée du Danube qui devait libérer la Roumanie en passant par le sud. Dans le même temps une seconde mobilisation a été déclenchée par les autorités roumaines peu avant l’armistice de Rethondes qui mit fin à la Première Guerre mondiale. Cet armistice n’a pas signifié pour autant le retour immédiat des troupes françaises en métropole. Les militaires français sont restés sur le territoire roumain et ses marges jusqu’à la signature des traités de paix et la consécration de la Grande Roumanie.



« Vous êtes venu dans la Roumanie Alliée, quand elle était dans les moments les plus difficiles, mais aussi courageuse et confiante dans le succès des Alliés.
Les Officiers combattants alliés ont versé leur sang sur le front roumain »
Général Prof. Dr. Butoianu


« Ici, repose le Lieutenant Richard Henry Jean, de la glorieuse armée française, mort en héros pour la Grande Roumanie - Régiment 62/70 infanterie - 16 mars 1916 »


Richard Jean Henri,
du 99ème régiment d’infanterie, né à Valréas dans le Vaucluse, tué à l’ennemi dans la région d’Onești




Membres de la mission militaire française affectée au service sanitaire près du front moldave en 1917


« À cette occasion, on rend hommage et profonde gratitude au corps médical français pour leur aide pendant la guerre. Nous n'oublierons pas l'immense service que les médecins français nous ont rendu et les sacrifices qu’ils ont faits. Beaucoup d'entre eux sont morts en Moldavie, en luttant aux côtés des médecins roumains »
le Médecin Inspecteur Général Prof. Dr. Butoianu ~1932


« Leur sacrifice vient se confondre avec celui de leurs frères roumains dont ils partagent la gloire éternelle »

Général Coullaud, à l’occasion d’inauguration du monument des Héros sanitaires (érigé en 1932 par le sculpteur italien Raffaello Romanelli): „C’est un grand honneur pour moi d’avoir été invité par mon excellant et cher ami le Général Docteur Vicol, à saluer pieusement le souvenir des membres du Service de Santé roumain qui ont succombé au cours de la grande guerre et à rendre hommage à leur mémoire. Dès que, sous l’impulsion de son peuple et par la volonté de son illustre Roi Ferdinand Ier, la Roumanie fût entrée délibérément et d’un coeur généreux dans la mêlée universelle, à côté des peuples qui défendaient le droit et combattaient pour la justice, des épreuves terribles fondirent sur elle. Les membres du corps médical français de la mission du Général Berthelot partagèrent les dangers de leurs camarades roumains. Ils livrèrent, à leurs côtés, une bataille acharnée à la maladie et à la mort. Comme eux, ils furent atteints et plusieurs succombèrent: Mesdemoiselles Hennet, de Gutel et Flipp, la Soeur Antoinette, admirables infirmières, Clunet, le vaillant médecin de Grieru, Santoni, Dufrêche, qui reposent au Cimetière Eternitatea de Jassy, Adain, l’organisateur de l’ambulance d’Onesti, trouvèrent une fin stoïque."



Deux officiers et un soldat photographiés dans la cour des Invalides avant leur départ pour la Roumanie. Photo: ecpa►d

Représentation allégorique de l'armée roumaine au combat paru dans le Petit Journal en 1916.



Sources:

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