est une femme de lettres d'origine roumaine, née le 28 janvier 1886 à Bucarest et décédée le 28 novembre 1973 à Paris.
"Portrait of Princess Marthe-Lucile Bibesco", 1911, by Giovanni Boldini (Italian, 1842-1932)
Auteur ayant écrit l'essentiel de son œuvre littéraire en français, son Perroquet vert paru en 1924 sera suivi par toute une série de romans, de récits, de contes, de nouvelles, d'articles et d'essais, comme La vie d'une amitié: ma correspondance avec l'abbé Mugnier, 1911-1914 paru en 1951. Elle fut élue en 1955 membre étranger de l'Académie royale de Belgique.
Marthe Bibesco est le troisième enfant du diplomate Jean Lahovary et de son épouse, née princesse Emma Mavrocordat. Elle passe son enfance dans le domaine familial de Balotești et ses vacances à Biarritz. Elle fait son entrée dans le monde en 1900 et elle est présentée au prince héritier Ferdinand de Roumanie, mais, après un an de fiançailles secrètes, elle épouse le prince Georges Valentin Bibesco (1880-1941), issu de l'une des familles les plus distinguées de Roumanie. Une fille, Valentine, née le 27 août 1903, est issue de cette union.
Comme l'aristocratie de l'époque, elle parle parfaitement le français (qu'elle a appris même avant le roumain). Jeune mariée, elle est sous la tutelle de sa belle-mère, la princesse Valentine Bibesco, née princesse de Caraman-Chimay, issue de l'une des familles franco-belges les plus aristocratiques. La princesse Marthe Bibesco est cultivée et se passionne pour l'histoire française et européenne, particulièrement la période napoléonienne, tout en étant férue de folklore roumain. Son mari, quant à lui, se passionne pour l'aviation, et collectionne aussi les bonnes fortunes.
Malgré la naissance de sa fille Valentine et son grand cercle d'amis, la princesse s'ennuie. Son mari est nommé en 1905 par le roi Carol de Roumanie pour une mission diplomatique auprès du chah de Perse, Mozafaredin. Marthe Bibesco note toutes ses impressions dans un Journal et s'embarque en bateau avec joie. Elle s'arrête à Yalta au bord de la mer Noire, où elle rencontre Maxime Gorki, alors en exil. La princesse publie en 1908 le souvenir de ce voyage, sur la recommandation de Barrès, et la critique s'en enthousiasme. C'est le début d'une carrière littéraire féconde, dont cependant on ne lit aujourd'hui plus que Le Perroquet vert ou Katia. La princesse Bibesco fait partie des salons littéraires et mondains de l'époque. Elle rencontre aussi Marcel Proust, à propos duquel elle écrit un livre. Marthe Bibesco reçoit le prix de l'Académie française.
La princesse, de retour à Bucarest en 1908, rencontre le Kronprinz Guillaume, qui échangera avec elle une correspondance affectueuse. Le Kronprinz invite personnellement le prince et la princesse Bibesco à visiter Berlin, Potsdam et Weimar à l'automne suivant, et à participer aux régates impériales de Kiel. La princesse est gratifiée de l'honneur d'être assise à côté du prince de Prusse dans sa limousine, lorsqu'elle passe la porte de Brandebourg. Cet honneur est réservé normalement à la famille impériale. En fait, le prince veut aussi tempérer l'influence de la diplomatie française, prépondérante en Roumanie à cette époque et se servir de la princesse comme médiatrice dans l'affaire de l'Alsace-Lorraine, entre la République française et l'Empire allemand.
"Marcel Proust vint s'asseoir au bal en face de moi, sur une petite chaise dorée, livide et barbu, avec sa pelisse de fourrure, son visage de douleur et ses yeux qui voyaient la nuit. Il a essayé de me parler, j'ai tâché de ne pas l'entendre, je l'ai fui. Pouvait-il comprendre pourquoi je voulais m'éloigner de lui à toute force ? C'était parce qu'il réveillait en moi la peur de l'indicible. Il avait les clés du monde où je ne voulais pas le suivre ce soir-là, où il m'a entraînée depuis"
Le divorce à l'époque est synonyme de mort sociale, dans la haute société comme dans la bourgeoisie. Aussi le mariage du prince et de la princesse Bibesco se transforme-t-il en soutien mutuel, tout en leur permettant au bout de quelques années de vivre chacun leur propre vie, le prince additionnant les liaisons. La princesse quant à elle est amoureuse du prince Charles-Louis de Beauvau-Craon, pendant une liaison qui durera dix ans. Elle rencontre aussi le fameux abbé Mugnier, surnommé l' « apôtre du Faubourg Saint-Germain », qui plus tard favorise sa conversion de l'orthodoxie au catholicisme. Leur correspondance sera publiée. Finalement épuisée par ses déceptions sentimentales et l'éloignement de son mari, elle se réfugie auprès de sa tante Jeanne Bibesco, prieure et fondatrice du carmel d'Alger. Elle songe même à divorcer, mais se ravise. Compréhensif, son époux lui offre en 1912 son château familial, le château de Mogoșoaia. Peu avant la Grande Guerre, la princesse fait un voyage en Espagne et sur les traces de Chateaubriand, son écrivain favori. Elle retourne en mai en Roumanie, où elle a l'honneur de recevoir l'empereur Nicolas II et sa famille, qui sont en visite auprès de la princesse héritière Marie, épouse de Ferdinand, bientôt roi.
Gloire littéraire...
La princesse Bibesco fait la connaissance en mars 1915 de Christopher Thomson, attaché militaire de l'ambassade d'Angleterre à Paris. Il s'occupait alors de favoriser l'entrée en guerre de la Roumanie aux côtés des Alliés, bien que le petit royaume de fût pas bien préparé politiquement et militairement. Le diplomate restera attaché à la princesse toute sa vie et correspond avec elle régulièrement, tandis qu'elle dédicace certains de ses livres à C.B.T.. Plus tard, il deviendra pair du parti travailliste, et secrétaire d'État de l'Air. Elle visite le lieu où il trouva la mort dans un R101, en décembre 1930, visite qu'elle effectue avec l'abbé Mugnier qui était leur ami commun.
Finalement la Roumanie entre en guerre du côté des Alliés en 1916 et la princesse Bibesco s'engage comme infirmière dans un hôpital de Bucarest, jusqu'à ce que sa maison de Posada, dans les Alpes de Transylvanie, soit détruite par un bombardement allemand. Elle fuit la Roumanie et rejoint sa mère et sa fille réfugiées à Genève, après avoir fait une halte en Autriche-Hongrie chez les Tour et Taxis à Latchen.
La princesse écrit tous les jours, surtout le matin, et son Journal intime ne comporte pas moins de soixante-cinq volumes. Elle écrit en Suisse, "Isvor, pays des saules", considéré comme l'un de ses meilleurs livres, où elle décrit les habitudes et traditions de son peuple, imprégné de superstitions paysannes, mélangées à une Foi orthodoxe fervente.
Revenant dans sa Roumanie natale, la princesse Bibesco trace le portrait d'un pays avec ses coutumes, ses légendes et ses travaux saisonniers. "Isvor m'a été inspiré par la vie quotidienne des villages, par les rites traditionnels observés dans leur existence millénaire, par les paysans de ce domaine forestier de la montagne où j'étais venue vivre. Ce livre était fait de notes que j'avais prises au jour le jour ; il ne contenait pas une seule histoire qui ne fut vraie, un seul épisode inventé", confiera-t-elle plus tard. Avec délicatesse et précision, l'auteur décrit les jeux des enfants le long des routes, les femmes aux champs, les mariages, les rituels de la mort. On découvre ainsi l'intimité d'une société rurale attachée à ses pratiques ancestrales. Guidée par Outza, une vieille paysanne, Marthe Bibesco nous raconte la vie simple et profonde de son peuple qui a conservé des habitudes héritées du temps des Romains : "Eux aussi comme moi, furent des étrangers venus d'ailleurs, obéissant à une loi mystérieuse." "Comment ne pas aimer la Roumanie après Isvor ?" écrivait Rainer Maria Rilke.
Le général de Gaulle avait fait savoir qu'il appréciait fort le livre de cette cosmopolite éclairée. Quant à son compatriote Mircea Eliade, il voyait en la princesse Bibesco le "modèle exemplaire d'une Européenne de l'avenir".
Revenant dans sa Roumanie natale, la princesse Bibesco trace le portrait d'un pays avec ses coutumes, ses légendes et ses travaux saisonniers. "Isvor m'a été inspiré par la vie quotidienne des villages, par les rites traditionnels observés dans leur existence millénaire, par les paysans de ce domaine forestier de la montagne où j'étais venue vivre. Ce livre était fait de notes que j'avais prises au jour le jour ; il ne contenait pas une seule histoire qui ne fut vraie, un seul épisode inventé", confiera-t-elle plus tard. Avec délicatesse et précision, l'auteur décrit les jeux des enfants le long des routes, les femmes aux champs, les mariages, les rituels de la mort. On découvre ainsi l'intimité d'une société rurale attachée à ses pratiques ancestrales. Guidée par Outza, une vieille paysanne, Marthe Bibesco nous raconte la vie simple et profonde de son peuple qui a conservé des habitudes héritées du temps des Romains : "Eux aussi comme moi, furent des étrangers venus d'ailleurs, obéissant à une loi mystérieuse." "Comment ne pas aimer la Roumanie après Isvor ?" écrivait Rainer Maria Rilke.
Le général de Gaulle avait fait savoir qu'il appréciait fort le livre de cette cosmopolite éclairée. Quant à son compatriote Mircea Eliade, il voyait en la princesse Bibesco le "modèle exemplaire d'une Européenne de l'avenir".
La tragédie n'épargne pas sa famille, puisque sa sœur cadette et sa mère se suicident, la première en 1918, et la seconde en 1920. Elle mène une vie parisienne et cosmopolite après la guerre. Elle compte alors parmi ses amis proches Jean Cocteau, Francis Jammes, Max Jacob, François Mauriac, Rainer Maria Rilke, ou Paul Valéry. Elle est bien sûr invitée au mariage de son cousin par alliance le prince Antoine Bibesco, ami de Proust, avec Elizabeth Asquith, fille du Premier ministre Herbert Asquith. Cette dernière connaîtra par la suite une certaine notoriété littéraire. Elle est enterrée dans la sépulture familiale des Bibesco à Mogosoaia.
La princesse Bibesco habite, jusqu'à la fin de sa vie, un appartement que lui a laissé son cousin le prince Antoine Bibesco, dans son hôtel particulier du 45 quai de Bourbon au bout de l'Île Saint-Louis, où elle tient un salon littéraire. Lorsqu'elle est en Roumanie, elle se retrouve à Posada qu'elle fait rebâtir, ainsi que dans son château de Mogosoaia qu'elle restaure, toujours dans le style néobyzantin. Lors d'un séjour à Londres, en 1920, elle rencontre Winston Churchill. Ils resteront amis, jusqu'à la mort de Churchill en 1965.
Sa fille épouse en octobre 1925 le prince Dimitri Ghika. Le mariage est brillant. Trois reines y assistent : la reine Sophie de Grèce, née princesse de Prusse, la reine Marie de Yougoslavie, née princesse de Roumanie et la princesse Aspasie de Grèce, épouse du roi des Hellènes. Ses livres à cette époque rencontrent un grand succès, comme Le Perroquet vert (1923), Catherine-Paris (1927), ou Au bal avec Marcel Proust (1928). Elle est très proche du roi Alphonse XIII et a une courte liaison avec Henry de Jouvenel, ce qui lui inspire son livre Égalité, Jouvenel étant alors proche des idées socialistes. Lorsqu'elle se rend à Londres, elle est au milieu d'un cercle d'admirateurs, parmi lesquels Ramsay MacDonald; le duc de Devonshire, Edward Cavendish ; Philip Sassoon, etc. Elle est aussi l'amie de Vita Nicolson, née Sackville-West, de Violet Trefusis ou de Lady Leslie et des Rothschild. Elle se rend souvent de Paris en avion avec son mari qui parfois pilote, et dont c'est la passion, dans diverses villes européennes, comme Rome, Raguse, Belgrade, Athènes, ou les villes de Belgique et d'Angleterre. Elle va même à Constantinople qui vient d'être rebaptisée Istanbul. Elle se rend en avion en Tripolitaine. Elle est invitée en 1934 aux États-Unis, où elle est reçue par Franklin D. Roosevelt et son épouse Eleanor.
Ses besoins augmentent au fur et à mesure de la restauration de son château de Mogosoaia, aussi écrit-elle également des romans plus populaires et des articles dans les journaux féminins, sous le pseudonyme de Lucile Decaux. Elle écrit en plus pour Paris-Soir et The Saturday Evening Post. Son château devient l'été le rendez-vous d'hommes politiques qu'elle invite dans les années d'entre-deux-guerres, comme Louis Barthou, qui appelle l'endroit « la seconde Société des Nations. » Elle y reçoit des ministres, des diplomates et des écrivains (par exemple Paul Morand ou Antoine de Saint-Exupéry) et aussi Gustave V de Suède et la reine de Grèce, les princes de Ligne, de Faucigny-Lucinge, les Churchill ou les Cahen d'Anvers.
Lorsque la montée de périls commence à bouleverser l'Europe, la princesse se prépare. Elle se rend en 1938 auprès de son ami le Kronprinz Guillaume, qui n'a aucune influence politique et elle est présentée à Göring. En 1939, elle se rend en Angleterre, où elle rend visite à George Bernard Shaw. L'aîné de ses petits-enfants, Jean-Nicolas Ghika, est envoyé étudier en Angleterre la même année. Il ne reverra plus la Roumanie avant cinquante-six ans. La Roumanie entre en guerre en 1941, cette fois-ci du mauvais côté.
Son époux le prince Georges Valentin meurt en 1941. Le ménage s'était rapproché dans les dernières années, surtout pendant la maladie du prince. Elle se rend ensuite dans Paris occupé, puis à Venise, puis secrètement en Turquie en 1943 avec son cousin Barbo Stibey, afin de négocier la sortie de la Roumanie du conflit mondial. Elle parvient à fuir son pays le 7 septembre 1945, devant l'avancée de l'Armée rouge qui en chasse les Nazis. Elle retourne à Paris, quai de Bourbon. Elle a perdu toute sa fortune et tous ses biens en Roumanie. Ils sont nationalisés en 1948 par les communistes. Elle s'installe à Paris.
Scénario du film français Katia (1938 et 1959),
d'après le roman de la Princesse Marthe Bibesco (alias Lucile Décaux).
Le film a été réalisé par Robert Siodmak.
d'après le roman de la Princesse Marthe Bibesco (alias Lucile Décaux).
Le film a été réalisé par Robert Siodmak.
Dernières années...
Sa fille la princesse Ghika, et son mari, parviennent à quitter la Roumanie en 1958, après avoir fait de la prison. Ils s'installent en Cornouailles dans une maison, Tullimaar, que leur a achetée la princesse Bibesco. Elle-même, après être restée deux ans au Ritz, retrouve le quai de Bourbon en 1948. Désormais, elle vit de sa plume. Elle est élue en 1955 au siège de l'Académie de Belgique tenu auparavant par sa cousine la poétesse Anna de Noailles et elle est élevée au rang de chevalier de la Légion d'honneur en 1962.
La Nymphe Europe, livre en partie autobiographique, rencontre un grand succès en 1960. Elle est alors devenue une « grande dame » de la littérature française, reçue par le général de Gaulle qui l'appréciait. Elle assiste ainsi en 1963 au dîner donné à l'Élysée en l'honneur du roi et de la reine de Suède. Lorsque le général de Gaulle se rend en visite d'État en Roumanie (toujours communiste) en 1968, il emporte avec lui un exemplaire d'Isvor, pays des saules et déclare à la princesse : « Pour moi, vous personnifiez vraiment l'Europe. » Le général n'avait pas la conception étroite répandue à l'époque d'une Europe s'arrêtant au rideau de fer. Lorsque, plus de vingt ans plus tard, le mur de Berlin disparaît, sans doute l'esprit de personnalités à l'éducation véritablement européenne, comme la princesse Bibesco, a-t-il dû se réjouir.
Les Roumains, quant à eux, qui étaient coupés de leur histoire pendant plus de quarante ans, découvrent sa personnalité, après sa mort, et celle d'un pays à jamais disparu. En France, pays où elle a le plus vécu et auquel elle a le plus donné, elle n'est plus connue désormais que dans des cercles restreints.
Marthe Bibesco - Wikipédia
Les amants chimériques de Lucile Decaux
Lafayette Negative Collection - V&A Museum
Writer and Princess, Marthe Bibesco
Top 50 most beautiful Romanian women
Dossier Spécial : la princesse Bibesco - Revue "Atalaya"
Versailles-ul de langa Bucuresti: Mogosoaia
France-Roumanie, héritage commun ou liaisons dangereuses?
Isvor - Le pays des saules
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