64) Les chants de Partisans

Sur une mélodie datant de la guerre russo-turque (1877-1878) - dont l'auteur reste inconnu (il pourrait être l'oeuvre du général Tchernikov en 1828), l'écrivain et journaliste Vladimir Guiliarovski (1855-1955), écrivit le texte de la « Marche des tirailleurs sibériens » au début de la première guerre mondiale (1915). Les deux dernières strophes de cette chanson furent écrites et rajoutés durant la guerre civile (1917-1921).



Depuis la taïga, la taïga profonde,
depuis l'Amour, depuis le fleuve,
Silencieux, nuages orageux,
les Sibériens vont au combat.

La silencieuse taïga,
Les a élevée âprement,
Tempête orageuses du Baïkal,
Et neiges de Sibérie.

Ni fatigue, ni effroi,
Combattants le jour, combattants la nuit,
Seule apparaît la grise papakha,
Rabattue sur l'oreille, crânement.

Eh, Sibérie, Sibérie natale,
Pour toi, nous résisterons.
Aux vagues du Rhin et du Danube,
Ton salut, nous transmettrons

Saches, Sibérie, que dans les méchantes années,
En mémoire du glorieux pays,
Tes fils, défendrons
L'honneur d'un peuple immense.

La libre Rus' ressuscitera,
S’enflammant de notre foi
Et, entendrons cette chanson,
Les murailles de l'antique Kremlin.

Traduction: Sarah P. Struve



Le 27 juin 1919, le colonel Anton Vassilievitch Tourkoul (1892-1957) demanda au compositeur Dmitri Pokrass (1899-1978) un nouveau texte comme hymne régimentaire. En 1918 Anton Tourkoul participe à la marche de Iași au Don et rejoint la brigade de volontaires blanches* que forme Mikhaïl Drozdovski (général de division né le 7 octobre 1881 à Kiev et mort le 1er janvier 1919 à Rostov-sur-le-Don) sur le front roumain. Le 29 juin 1919 retentit pour la première fois le « Chant du régiment de Drozdovski » (sur le thème de la mélodie initiale datant de la guerre russo-turque de 1877) lors d'un banquet en l'honneur de l' occupation blanche de la ville d'Kharkov.



En marche depuis la Roumanie
Vint le glorieux régiment Drozdovski,
Au secours du peuple
Accomplir sa lourde tâche.

Malgré les nuits blanches
Et les épreuves endurées,
La longue route n'effraie pas
Les héros endurcis.

Le général Drozdovski hardiment
S'avança avec son régiment,
Tel un héros, sûr
De sauver la patrie !

Il voyait la Sainte Russie
Succomber sous le joug
Et comme cire de bougie
Dépérir de jour en jour.

Il en était sûr : le temps viendra
Et le peuple se ressaisira,
Rejettera le joug barbare
Et avec nous au combat ira !

Les Drozdovstsi s’avançaient d'un pas ferme,
L'ennemi assailli s'enfuit.
Sous le drapeau tricolore de la Russie,
Le régiment flirtait avec la gloire.

Et même si nous rentrions grisonnant
D'un labeur sanglant,
Que sur toi se lève, Russie,
Un soleil nouveau, enfin !

Refrain :
De ces jours, la gloire ne s'éteindra pas.
À jamais, elle retentira.
Officiers aux avant-postes,
À l'assaut des villes !
Officiers aux avant-postes,
À l'assaut des villes !

* La division de Drozdovski (russe : Дроздо́вская диви́зия) est une unité des armées blanches** formée par le colonel Mikhaïl Drozdovski à Iași sur le front roumain en janvier 1918 à partir d'officiers volontaires. Par la suite l'unité fait partie de l'armée des volontaires commandée par le général Dénikine***.
La marche du détachement de Drozdovski de Iași au Don ou marche de Drozdovski du 26 février (11 mars) au 24 avril (7 mai) 1918 est le passage de la Première Brigade de Volontaires Russes sous le commandement du colonel d'état-major M. G. Drozdovski du front Roumain vers le Don pour rejoindre l'armée des volontaires du général L. G. Kornilov et combattre en commun l'ennemi bolchévique.
En marchant en ordre fermé de Roumanie jusqu'à Rostov-sur-le-Don, le détachement prit la ville le 4 mai après des combats féroces avec l'armée rouge. Quittant Rostov, les hommes de Drozdovski aidèrent les cosaques, en rébellion contre le pouvoir bolchévique, à prendre Novotcherkassk. Au soir du 7 mai, les « Drozdovtsy » entrèrent sous l'acclamation des habitants dans Novotcherkassk, portant un point final à la « marche roumaine ».
** Les noms d'Armées blanches, Armée blanche (russe : Бѣлая Армiя/Белая Армия, Belaïa Armia), Mouvement blanc (Бѣлое движенiе/Белое движение, Beloïe dvizhenie) ou, tout simplement Blancs (Бѣлые/Белые, Belye), désignent les armées russes, formées après la révolution d'Octobre 1917, luttant contre le nouveau pouvoir soviétique. Pendant la guerre civile russe elles combattirent l'Armée rouge, de 1917 à 1922. Les historiens soviétiques parlaient de Garde blanche (Бѣлая Гвардiя/Белая Гвардия, Belaïa Gvardia), par opposition aux gardes rouges de la révolution et avec une connotation négative (refusant la qualité d'armée aux blancs). L'Armées blanches est composée d'Armée des volontaires, Armée du nord-ouest, Forces Armées du Sud de la Russie, Armée russe.
*** Anton Ivanovitch Dénikine (en russe : Антон Иванович Деникин), né le 4 décembre 1872 (16 décembre 1872 dans le calendrier grégorien) à Włocławek (Gouvernement de Varsovie, alors dans l’empire russe) et mort le 8 août 1947 à Ann Arbor (États-Unis). Général russe, chef d'état-major dans les armées de la Russie impériale pendant la Première Guerre mondiale, commandant en chef de l'armée des volontaires pendant la guerre civile russe.



La chanson « Makhnovchtchina » parle de l'armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne, qui au temps de la révolution russe a lutté sous la direction de l'anarchiste Nestor Makhno (1889-1934) contre l'armé blanc du Tsar et l'armé rouge de Lenin.



Makhnovtchina, Makhnovtchina,
Tes drapeaux sont noirs dans le vent,
Ils sont noirs de notre peine,
Ils sont rouges de notre sang,
Ils sont noirs de notre peine,
Ils sont rouges de notre sang!

Par les monts et par les plaines.
Dans la neige et dans le vent,
A travers toute l'Ukraine
Se levaient nos partisans,
A travers toute l'Ukraine
Se levaient nos partisans!

Hey! Hey! Hey! Hey! Hey!

Makhnovtchina, Makhnovtchina,
Armée noire de nos partisans.
Qui cembattez en Ukraine
Contre les rouges et les blancs,
Qui combattez en Ukraine
Contre les rouges et les blancs!

Makhnovtchina, Makhnovtchina,
Ceci est mon testament,
Tu voulais chasser d'Ukraine
A jamais tous les tyrans.
Tu voulais chasser d'Ukraine
A jamais tous les tyrans!

Hey! Hey! Hey! Hey! Hey!

Que ce soit l'Armée rouge,
Les flics de Pretoria,
Malgré le sang qui coule,
Rien ne l'arrêtera,
A travers ta toundra
Rien ne l'arrêtera. 
C'est la Makhnovtchina
Rien ne l'arrêtera.
Rien ne l'arretera !



Le « Chant des partisans de l'Amour » dont les paroles furent écrites par Piotr Parfionov en 1920, raconte les combats de l'armée rouge avec les troupes du gouvernement provisoire de l'Amour dans la région de Spassk, Volochaevka et Vladivostok - l'Extrême-Orient russe, au cours de la dernière période de la guerre civile. Le chanson a reçu la dédicace: "Le souvenir béni de Sergei Lazo, incendié par des gardes blancs japonais dans une salle des machines à vapeur", le mois de mai 1920. Serghei Gheorghevici Lazo est né le 23 février 1894 dans le village de Piatra-Orhei, dans le gouvernorat de Bessarabie (aujourd'hui dans la République de Moldavie) dans une famille noble d'origine roumaine. Sur les fronts de la Première Guerre mondiale depuis 1915, l'auteur de la chanson « Par les monts et les vallées » - Petr Semenovich Parfenov (1894-1937), a publié des poèmes dans des journaux, notamment sous le pseudonyme "Peter Altai". En 1917, il rejoignit le parti bolchevique au front. En juillet 1917, suite à une commotion cérébrale, il reçut une permission de deux mois du front roumain et se rendit dans le district de l'Altaï. En 1933, Parfenov fut exclu du parti communiste et en octobre 1935, il fut arrêté. Selon une version, le 29 juillet 1937, il aurait été abattu par le verdict du collège militaire de la Cour suprême de l'URSS, accusé d'avoir organisé un groupe terroriste contre-révolutionnaire.
Le « Chant des partisans de l'Amour » a ensuite été repris par l'armée rouge pendant la deuxième guerre mondiale et fait notamment partie du répertoire traditionnel des Chœurs de l'Armée soviétique.



Par les monts et les vallées
Marchait notre division,
Pour prendre d’assaut la côte,
Le rempart des armées blanches.

Les drapeaux étaient trempés,
Rougis par les dernières blessures
Ainsi s’avançaient les escadrons rapides
Des partisans de l’Amour.

La gloire de ces années jamais ne s’éteindra
Et gardera à jamais sa splendeur:
La troupe de partisans
Prit la ville.

Et survivront, dans la légende
Comme des feux étincelants
Les nuits tourmentées de Spassk
Et les jours de Volotshayevka.

Nous avons écrasé les atamans
Nous avons chassé le voïvode
Et sur les bords du Pacifique
Nous finîmes notre campagne.



Le « Chant des partisans blancs », a été introduit dans la Légion Etrangère a partir de 1917 date à laquelle de nombreux russes "blancs"(pro Tsar") se sont engagés à la Légion pour fuir le communisme. Ce chant a par la suite été repris par le 1er Régiment Etranger de Parachutistes et reprenne la mélodie du chant « Marche des tirailleurs sibériens » (composée en 1828, reprise en 1919 pour le chant du régiment de Drozdovski). L'adaptation du chant « blanc » en français (les paroles) est de Bernard Lugan et Alain Sanders datant des années 60.



C'est de ce musique que Maurice Druon s'est inspiré pour Le Chant des partisans: un jour, fin 1942, ayant lu dans les journaux britanniques le récit de la bataille de Smolensk, son âme russe se réveille. Un mot lui revient à l’esprit, ce mot de « partisans ».



Dans le froid et la famine,
Dans les villes et dans les champs,
A l'appel de Dénikine,
Marchaient les Partisans Blancs.

Sabrant les troupes bolcheviques,
En ralliant les Atamans.
Dans leurs campagnes épiques,
Ils traquaient Trotsky tremblant.

C'est pour la Sainte Russie,
Pour la vieille tradition,
Pour la gloire et la patrie,
Que luttaient ces bataillons.

Votre gloire est immortelle,
Volontaires et Officiers Blancs,
Et votre agonie cruelle,
La honte de l'occident.



Le « Chant des partisans » ou « Chant de la libération » est l’hymne de la Résistance française durant l’occupation par l’Allemagne nazie, pendant la Seconde Guerre mondiale. La musique (inspirée d'un air populaire en Russie pendant la guerre civile), initialement composée en 1941 sur un texte russe, est due à la Française Anna Marly, ancienne émigrée russe qui en 1940 avait quitté la France pour Londres. Les paroles originales en français ont ensuite été écrites en 1943 par Joseph Kessel également d’origine russe (marié en 1921 avec Nadia-Alexandra Polizu-Michsunesti, d'origine roumaine), et son neveu Maurice Druon qui venaient tous deux de rejoindre les Forces françaises libres.



Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?
Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme.
Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes.

Montez de la mine, descendez des collines, camarades !
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades.
Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite !
Ohé, saboteur, attention à ton fardeau : dynamite...

C’est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères.
La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère.
Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves.
Ici, nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue, nous on crève...

Ici chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait quand il passe.
Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place.
Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes.
Chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute...

Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu’on enchaîne ?
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?



« Bella ciao » est un chant de révolte italien qui célèbre l'engagement dans le combat mené par les partisans, résistants pendant la Seconde Guerre mondiale opposés aux troupes allemandes alliées de la République sociale italienne fasciste, dans le cadre de la Guerre civile italienne. Les paroles ont été écrites fin 1944 sur la musique d'une chanson populaire que chantaient au début du XXe siècle les "mondine", ces saisonnières qui désherbaient les rizières de la plaine du Pô et repiquaient le riz, pour dénoncer leurs conditions de travail.



Un matin, je me suis levé
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Un matin, je me suis levé,
Et j'ai trouvé l'envahisseur.

Hé ! partisan emmène-moi
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Hé ! partisan emmène-moi,
Car je me sens mourir.

Et si je meurs en partisan
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Et si je meurs en partisan,
Il faudra que tu m'enterres.
Que tu m'enterres sur la montagne
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao.

Que tu m'enterres sur la montagne,
À l'ombre d'une belle fleur

Tous les gens qui passeront
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
Et les gens qui passeront
Me diront « Quelle belle fleur ».

C'est la fleur du partisan
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
C'est la fleur du partisan
Mort pour la liberté.



Sources:
Les Partisans
Division de Drozdovski
La ligue francilienne
Cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois
Ami, entends-tu Anna?
Vladimir Guiliarovski: Marche des tirailleurs sibériens
Serghei Lazo
Bella ciao

Niciun comentariu:

Trimiteți un comentariu

POPULAR POSTS / POSTS POPULAIRES