61) L'entente pétrolière franco-belge, ailes françaises et racines valaques

TOTAL et l'entente pétrolière franco-belgo-roumaine

« Désormais, pour les nations et pour les peuples, une goutte de pétrole a la valeur d'une goutte de sang »
Georges Clemenceau, 1917

À l’issue de la Première Guerre mondiale, la question pétrolière se pose pour la France en termes très différents de ceux de l’avant-guerre. Alors, la question était d’ordre douanier, commercial et de politique intérieure. À présent, les considérations de politique étrangère l’emportent, rendant plus complexe encore la solution de cette question. Entre-temps la guerre est passée, marquée par une mécanisation croissante des transports militaires et des engins de combat, provoquant une prise de conscience au sein des cercles dirigeants du pays de la nature stratégique des produits pétroliers.


« La Compagnie française des pétroles » (l'ancêtre de Total) a été créée en 1924 et son principal actif est constitué des 25 % dans la « Turkish Petroleum Company ». Dirigée par Ernest Mercier (1878-1955), la CFP doit gérer les intérêts français au Moyen-Orient. Bien connu déjà en tant que pionnier de l'industrie électrique en France, Ernest Mercier - cet ancien ingénieur du Génie Maritime (blessé d'un éclat d'obus au pied alors qu’il commande sur le Danube des troupes roumaines pendant la Grande Guerre), avait débuté dans l'industrie du pétrole en 1921, époque à laquelle il était devenu président de « l'Omnium International des pétroles ». En 1922, il avait pris, avec le groupe de l'Anglo-Persian, le contrôle de la « Steaua Română », la plus importante société pétrolière de Roumanie ; la même année, il avait créé la « Steaua Française », dont il était devenu le président.


Les liens de la CFP avec la Roumanie étaient très forts. La Compagnie n'y avait pas de participation significative, mais son président, Ernest Mercier, était aussi président de « l'Omnium français de pétrole », société issue de la fusion en 1938 de « l'Omnium international des pétroles » et de la « Steaua française ». L'OIP avait une participation de 29% dans la « Columbia », importante société roumaine et 12,5% dans la « Steaua Română ». CFP jouait dans cette dernière société le rôle d'opérateur technique et Mercier devait y envoyer, pour les tester, plusieurs de ses futurs collaborateurs à la direction de la CFP. Dans le domaine de la production, la CFP formait ses ingénieurs sur le tas en Roumanie, à la « Steaua Română » (environ 100 kilomètres au nord de Bucarest). Elle en forma peu, mais d'excellents, ceux qui furent destinés aux postes de commande plus tard : Victor de Metz, tête de file, futur président de la CFP de 1945 à 1971, René de Panafieu, les frères Raoul et Edmond Chappelet, Bernadac, Arnoud, Paclet, Raymond Godet, Amédée Maratier, Louis Cauchois (nommé en 1934 chef des ateliers à Moreni, environ 100 km au nord-ouest de Bucarest. En 1691, Moreni devint le troisième endroit dans le monde où du pétrole fut extrait).

Une sortie à Golești, Roumanie en 1937. Amédée Maratier est assis en bas à droite.
Les trois derniers ingénieurs (Godet, Maratier et Cauchois) furent par la suite les fondateurs, en 1942, de « Forex – Forages et Exploitations Pétrolières ». En 1971, « Shlumberger » acquiert la totalité des actions de « Forex » et en 1984 l'entreprise américaine « Sud-Drilling Company - Sedco » est fusionnée avec « Forex » pour devenir en 1985 la « Sedco Forex Drilling », puis deviendra en 1999 la « Transocean Sedco Forex » (l'un des plus grands entrepreneurs de forage offshore au monde basé à Vernier, en Suisse).

« Steaua Română » Câmpina est la plus ancienne raffinerie de Roumanie, fondé en 1895.

Ces expatriés, la plupart ingénieurs, avaient été tentés par la Roumanie car la vie y était agréable sous le règne du Roi Carol Ier, l’influence de la culture française était très développée et la production pétrolière importante.

A cette époque, bien antérieure au forage au rotary, les premiers puits étaient creusés à la main et entretoisés avec du bois, à la manière des puisatiers de nos campagnes et l’ingénieur géologue était descendu quotidiennement assis sur le récipient qui servait à remonter les déblais pour prélever les échantillons et apprécier la nature des terrains ; on arrivait ainsi vers 300 m avec une ventilation rudimentaire, la découverte s’accompagnait en général d’une belle éruption et on recueillait le pétrole sur le terrain environnant car on avait eu la sagesse d’entourer le puits de remblais de terre.

Elèves d'école Maîtres Sondeurs, 1ère année, Moreni, 1920
En 1937, 40 % des importations françaises proviennent de l’Irak, 22 % des États-Unis, 9 % du Venezuela et 8 % de la Roumanie.

Deux ans avant l'apparition de la Compagnie française des pétroles, la société pétrolière belge « PetroFina » -  une entreprise qui va jouer un rôle clé dans l’économie et la société de la Belgique du XXe siècle, a été créé en 1920 (25 février) par un groupe d'investisseurs et de banquiers anversois, les frères Hector et Fernand Carlier et le ministre Aloys Van de Vyvere. La fondation de la société est issue du rachat à des banque allemandes de leurs actifs dans des entreprises roumaines.


La Compagnie Financière Belge des Pétroles « PetroFina » regroupe les actifs des entreprises roumaines : « Rumeensche Petroleummaatschappij » (La Compagnie Roumaine de Pétrole, plus connue sous le nom « Internaționala » ou « Interum »), « Concordia » (Société anonyme Roumaine pour l’industrie de Pétrole), « Sirius », « Creditul Petrolifer » et « Vega » (filiale de « Concordia »).

Ces entreprises roumaines - regroupées sous le nom de la « Compagnie Financière Belge des Pétroles », couvrent alors l'ensemble des opérations relatives à l'industrie du pétrole: l'exploration, l'extraction, la production - grâce à « Internaționala » et « Concordia », le raffinage à travers les installations de « Vega » - à Ploiesti (raffinerie fondé en 1905, avec le capital fourni par Deutsche Bank), le transport, la fabrication et l'emmagasinage des produits, ainsi que l'entretien du matériel de forage par l'entremise notamment du « Creditul Petrolifer » (société crée en 1906, par Mauriciu Blank - banquier roumain, né à Pitesti). Autant d'activités qui deviennent celles d’une toute nouvelle compagnie, qui prendra en 1922 le nom de son adresse télégraphique : « PetroFina » (devenu en 1958 : « Fina »).

Mais pour revenir en France, la dénomination originaire de « La Compagnie française des pétroles » a été changée le 21 juin 1985, en « TOTAL – Compagnie française des pétroles » (TOTAL CFP). Par les rachats successifs de la société pétrolière belge « Fina » en 1999, puis par le rachat d’« Elf-Aquitaine » en 2000, la force de « TOTAL » a été renforcé et le nom change de nouveau.
Enfin, en 2003, « Total Fina Elf », rebaptisé « TOTAL S.A. » est la première compagnie pétrolière et gazière française et la quatrième au niveau international.


La Compagnie française de raffinage dépose la marque Total en 1953. Fierté nationale, l'entreprise choisit un logo tricolore qui évoque clairement la dimension française du carburant. Si le bleu, le blanc et le rouge ne disparaitront jamais, l'orange fait son apparition dans les années 1970. Le logo actuel est né après la fusion avec Elf et PetroFina.



Racines et ailes d'Air France

« Faire du ciel le plus bel endroit de la Terre »
Slogan de la compagnie Air France, avant 2014.



À la fin des années 1920, alors que la plupart des pays se sont déjà dotés de grandes compagnies nationales (KLM en 1919, Qantas en 1920, Delta Air Lines et Imperial Airways en 1924, Lufthansa, United Airlines et Pan Am en 1926, American Airlines en 1930), l'aéronautique française est morcelée et affaiblie par la Grande Dépression.

Dans ce contexte économique, le Parlement français vote une loi de fusion des 4 compagnies principales du transport aérien français : la « CIDNA » - ex. « Franco-Roumaine », « Air Orient », « Air Union », et les lignes « Farman ». Les quatre compagnies fusionnées forment le 19 mai 1933 la SCELA : « Société centrale pour l'exploitation des lignes aériennes ». Le 31 mai 1933, la SCELA rachète les actifs de « l'Aéropostale » (du banquier Marcel Bouilloux-Lafont). C'est au cours d'une conférence de presse annonçant cette fusion que le journaliste Georges Raffalovitch, doyen dans le monde de la presse aéronautique, propose de baptiser la nouvelle compagnie « Air France ».

Mais, qui était cette compagnie Franco-Roumaine ou CIDNA (« Compagnie Internationale de Navigation Aérienne ») une des compagnies à l'origine d’« Air France » ?


Nous sommes en avril 1920. La guerre est finie : Pierre Claret de Fleurieu, pilote de chasse émérite, décide de quitter l’armée. Homme de challenge, il entre dans la succursale française d’une grande banque roumaine : la banque Marmarosch Blank. Et c’est avec le culot de ses 23 ans qu’il propose à Aristide Blanck (le fils de Mauriciu Blank), le président de la banque, un projet qu’il qualifiait lui-même de fou : créer la première grande ligne aérienne internationale du monde. Une ligne régulière à travers l’Europe, qui desservira la Tchécoslovaquie, la Pologne, la Hongrie, la Roumanie et pourquoi pas jusqu’à Constantinople !

Pierre Claret de Fleurieu (1896-1976)

Le 23 Avril 1920 le banquier roumain convoque Pierre Claret de Fleurieu dans son bureau, le nomme immédiatement Directeur Général de la Compagnie Franco-Roumaine de navigation aérienne et ... rédige un chèque de plusieurs millions à son nom : « Vous commencez demain, je vous fais une confiance totale, marchez je vous suivrai ».

En 1922, la « Compagnie Franco-Roumaine de Navigation Aérienne » a le réseau le plus important du monde avec 3144 km. Elle assure la présence des ailes françaises sur toute l’Europe centrale et orientale. Les avions français font escale tous les jours à Vienne, Budapest, Bucarest et à Constantinople.


Dans les années ‘20, grâce aux services aériens développés par la CIDNA, Bucarest est à 24 heures de vol de Paris (alors qu’il faut trois jours par le train) et Moscou à 20 heures seulement.



Sources :
L'Entente cordiale, Belgique - Roumanie
Musée du pétrole, Ploiești
Petroblog - Romanian Petroleum History
The battle for Oil
Le pétrole déjà: l'empereur Guillaume II visite la raffinerie "Steaua Română" (min. 3:20) avec le général - puis feld-maréchal, allemand August von Mackensen (septembre 1917):

Focul de 850 de zile de la Moreni
La stratégie de la Compagnie Française des Pétroles durant la Seconde Guerre Mondiale
Ernest Frédéric Honorat Mercier (1878-1955)
Amédée Maratier
La mission Léon Wenger
Roumanie, berceau de FOREX
La politique française du pétrole à l’issue de la première guerre mondiale
Précurseur de Forex, Raymond Godet président-fondateur
L'empereur Guillaume II visite la raffinerie "Steaua Română" (YouTube min. 3:20) avec le général - puis feld-maréchal, allemand August von Mackensen (septembre 1917).
La Seconde Guerre mondiale achève l'ère de la mécanisation des armées. Pour être le plus opérationnels, l'Allemagne et le Japon vont avoir besoin d'une ressource indispensable : le pétrole, et "La Roumanie fournit toutes les besoins du Reich en pétrole; le pétrole de Ploiești est devenu indispensable pour Hitler" (YouTube min. 14:00).
La Franco-Roumaine
Pierre Claret de Fleurieu (le fondateur - en 1920, de la compagnie franco-roumaine de navigation aérienne)

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